D’Abidjan à Bouaké en passant par Yamoussoukro à Korhogo, l’utilisation des tricycles ou engins à trois roues motorisés et autres mototaxis dans le transport des personnes et des biens, est bien une réalité vivante depuis quelques années. Enquête sur un mal nécessaire qui monte en puissance…Ce mercredi 03 avril 2019, nous sommes au marché Mo Fêtai de Yamoussoukro. Il est 8 heures 30mn. C’est jour de marché à Yamoussoukro ; la capitale politique et administrative de la Côte d’Ivoire. Le vent frais des derniers jours d’harmattan nous frappent le visage. L’ambiance est au top. Les vendeuses de légumes et fruits font décharger leurs bagages des bennes des tricycles ; sorte d’engins à tête de moto et porté par trois roues qui tracte une de benne à capacités variables. Dans les alentours de ce marché de fortune, on les trouve dans les coins de rue, en attendant l’arrivée du premier client. Ici, les Peugeot bâchée et pousse-pousse en bois d’ordinaire très visibles, ont quasiment disparu. Renseignement pris, les pousse-poussiers se sont mués progressivement en conducteur de tricycles acquis au prix de mille une économies. Dans le désordre et le vacarme bien organisés les braves dames, lèves tôt suivent les différentes opérations de manutention de leurs cartons et autres marchandises à exposer ce jour de marché. Après avoir soigneusement observé les’ tricycliers’, nous nous approchons de l’un d’eux. La trentaine révolue, les cheveux ébouriffés, notre interlocuteur, dit s’appeler Traoré Issouf. Il y a de cela quelques mois, Traoré était serveur de café chaud dans l’un des sous –quartiers de Yamoussoukro. Assis à califourchon sur son engin, tenant les guidons en mains et prêt à embrailler, il nous apprend avec fierté : « Quand je suis venu du pays( Mali), des frères m’ont aidé à me trouver un point de vente de café chaud, au quartier Dioulabougou. Progressivement je me suis fait une petite économie qui m’a permis de m’offrir mon tricycle d’occasion à 500 mille Fcfa. Avec cet engin je transporte les bagages des femmes des villages aux différents de la ville matins et soirs. Entre temps, je transporte les bagages de ceux qui viennent faire le marché vers les gares des gros cars qui vont à Abidjan » Mais combien gagnent par jour ces débrouillards ? Après hésitation, Traoré Youssouf qui est à ce jour propriétaire de deux tricycles nous apprend : « Avant ça marchait bien. Maintenant ça assez. Il y a trop de tricycles sur le terrain. Un voyage par quartier peut se situer entre 5 00Fcfa et 1 000fcfa voire 1500fcfa. C’est bon à prendre(…) » Un autre jeune que nous avons pu accoster s’appelle Loukou Hycinthe. Il est également conducteur de trois roues, il y a un peu plus d’un an. Selon lui, « le coût des prestations est fixé en fonction de la distance. Si nous nous déplaçons d’un quartier à un autre, il varie entre 1 000Fcfa et 2 000Fcfa. Mais lorsque nous devons aller chercher les produits en brousse, notamment de la banane, du manioc et les produits maraîchers, le prix varie entre 5 000 Fcfa et 10 000 Fcfa par voyage. La recette journalière n’est pas fixe. Elle varie en fonction des jours. Le jour du marché du marché, c’est-à-dire le mercredi ça marche. On peut faire une recette de 3 000 Fcfa à 7 000Fcfa » Avant de démarrer en trombe. Tout en nous jetant au visage la fumée noire sortie du pot d’échappement de son véhicule. Tout comme lui, Adama K. , âgé de 25 ans, dispose d’un tricycle depuis bientôt un an. Par le passé, Adama K Travaillait avait deux brouettes qu’ il exploitait lui-même une. « Ces avec mes deux brouettes que je travaillais. Et j’ai constaté que cela n’était pas rentable et je ne pouvais pas de longues distances ni transporter une grande quantité de marchandises. J’ai vendu une d’elle et je suis par la suite allé voir mon grand frère à Bouaké, pour m’aider à aller à l’aventure. Après échange, il m’a déconseillé cette idée. Tout en promettant m’aider à obtenir un tricycle qui pouvait m’aider à me faire de l’argent » nous rapporte Adama K. Qui dit bien s’en sortir. Non sans remercier ce frère genereux qui est aussi propriétaire de plusieurs engins à Bouaké. Bouaké, faut –il le rappeler a été la capitale de l’ex-rébellion. Où en réalité, l’introduction cet autre moyen de substitution de transport des marchandises voire des personnes a pris forme dans la mouvance de la crise militaro-politique qui a éclaté dans la nuit du 18 Septembre 2002. Une opération de distribution de remise de tricycles a même a été initiée par l’entremise du programme national pour le désarmement, la démobilisation et la réintégration (Pnddr).Ce dans le cadre d’un projet d’auto-emploi auquel ils ont souscrit pour leur réinsertion socio-économique. En principe, avec ces engins, les bénéficiaires ne devraient que pour le transport des productions agricoles et des marchandises et non des personnes. Ce qui devrait aider les ex- combattants à s’insérer dans la société, en étant indépendants financièrement, mais de permettre l’évacuation des produits agricoles. M. Cissé Sindou, ex- cadre des Forces nouvelles ( ex- forces nouvelles) et actuel président du Conseil régional du Folon, qui a géré ce dossier à l’époque dans le cadre du programme national de désarmement, démobilisation et réinsertion( Pnddr) a sa petite idée de la chose. Il se souvient : «A l’époque à la faveur du redéploiement de l’administration dans les zones Centre nord et ouest( ex- Cno), nous avons géré le dossier de la distribution des engins à trois roues aux ex- combattants. Nous avons sensibilisé les jeunes en leur disant que l’exploitation des tricycles pourrait être rentable dans le cadre de leur insertion(…) ». (Voir interview encadré). Une autre opération similaire a eu lieu au sortir de la crise militaro- politique avec l’Autorité pour le désarmement, la démobilisation et la réinsertion,( Addr) Ce qu’en pensent les commerçantes et autres usagersCes jeunes débrouillards font l’affaire des commerçants qui dépensent désormais moins que par le passé quand ils louaient les véhicules bâchés. Des utilisateurs, ‘ les clients’ de trois roues sont satisfaits de leurs prestations.« Au niveau du transport du manioc là où les véhicules nous prenaient au moins 20 000Fcfa, les trois roues nous prennent entre 5 000Fcfa et 10 000Fcfa(…) J’ai juré de ne plus utiliser les bâchées parce que plusieurs fois j’ai été grugée par ces clients. Et je me suis retrouvée avec une dette de plus de 400 000Fcfa » Autres points soulevés est celui relatif à la taxe de la mairie. Le mode de paiement de cette taxe se fait sur la base d’un accord entre le service financier et les détenteurs de trois roues. Celui-ci peut choisir le règlement journalier, mensuel, trimestriel ou annuel. Ainsi on peut payer 2 000Fcfa le jour, 15 000Fcfa les trois mois ou encore 20 000f pour les six mois. Sans nous donner un nombre précis de tricycle en circulation dans la ville de Yamoussoukro, ces jeunes débrouillards payent des taxes à la mairie. De l’avis de M.Yao George, responsable du service transport à la mairie de Yamoussoukro, « le tricycle étant mu moyen de transport un particulier aux jeunes frères, ce que nous exigeons, c’est d’être à jour vis-à-vis de l’autorité. Et cette taxe est renouvelable » Mais pourquoi cette ruée des jeunes Yamoussoukrofouè vers cette activités de conducteurs de tricycles ? A cette question il nous apprend sans ambages : « Cela s’explique par le fait qu’il n’y a pas d’activités à Yamoussoukro. Ici, nous n’avons pas d’usines, pas d’entreprises pour résorber le chômage. Ceux qui veulent faire quelque chose, c'est-à-dire une activité passe au cap supérieur pour devenir soit un conducteur de Taxi soit un conducteur de Massa » Non sans déplorer les accidents réguliers causés par ces tricycles. Ces accidents sont selon lui dus au fait que la plupart des conducteurs ne sont pas formés. « Ils n’ont aucune notion du code de la route. C’est pourquoi souvent vous voyez des accidents, dits accidents bête » dit-il avec un brin de désolation. Il faut donc bien organiser l’activité et former au code de la route ces conducteurs de tricycle qui rendent de nombreux services dans le convoyage des marchandises.
Bamba Mafoumgbé,Cette adresse courriel est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser. Légende photo : Les tricycles et mototaxis sont désormais très actifs dans le convoyage des marchandises sur nos marchés( LGINFOS DU 18 AVRIL 2019)
Enquête/ Transports par tricycles et taxi-moto en Côte d’Ivoire:// Ces nouveaux moyens de transports qui en rajoutent à l’anarchie
Publié le 18 avril 2019