Professeur doit-on dire que vous êtes le président du Comité de crise Covid-19 ou le Directeur de l’Inhp tout cours ?
Je ne suis pas le président du Comité de crise de lutte contre la Covid-19. Mais le Directeur de l’Institut national d’hygiène publique de Côte d’Ivoire. L’Inhp a dans ces missions, la surveillance des maladies à potentiel endémique. Il est également coordonnateur du Règlement sanitaire international, (Rsi). Par ailleurs, il est le point focal de la Sécurité sanitaire mondiale. A ce titre, et conformément au décret présidentiel d’Avril 2019, qui dit que nous avons à travers le Centre des opérations d’urgence, la gestion des urgences endémiques et de façon générale et des épidémies de façon particulière, l’Inhp est en charge de cette épidémie. Par ailleurs, il existe un autre arrêté qui donne aussi des responsabilités à l’Inhp pour le dépistage et le confinement(…).
Combien de sites dépistages disposent à ce jour la Côte d’Ivoire ?
Nous avons 11 sites fonctionnels, le mercredi 03 juin 2020 nous avons ouvert le deux derniers sites qui portent à 11 et il est prévu de porter à 13. Il nous reste juste deux sites : Ceux de Grand Bassam et Anyama. Ainsi, nous aurons bouclé pour le Grand Abidjan.
Qu’est- ce qu’on fait concrètement sur ces sites ?
Quand on y vient, on y reçoit des informations, des conseils et un dépistage. Dans le cadre de cette maladie, le plus important, c’est lorsqu’on fait les signes qu’on est plus à même de transmettre la maladie. C’est ce que l’on appelle être symptomatique. Quand on présente les signes, c’est en ce moment- là que la charge de virus est plus au niveau du nez. Parce que le virus, il s’accumule au niveau du nez et de la bouche. Mais plus au niveau du nez. Quand on fait la fièvre, on atteint le niveau plus élevé en termes de présence de virus dans le nez. C’est en ce moment qu’on est le plus contaminant. Le choix qui a été fait par la Côte d’Ivoire, c’est de faire un dépistage ciblé. C’est-à-dire de pouvoir identifier les personnes qui sont le plus à risques de transmettre la maladie que nous mettons en priorité. Ce n’est pas un dépistage massif. Quand vous arrivez dans ces centres de dépistage, on vous reçoit, on vous accueille, on vous donne un masque, on vous donne le gel et on vous installe. Vous la salle d’attente et vous prodigue des conseils et des informations sur la maladie(…). Quand vous sortez de cette salle, vous allez à l’enregistrement. Ici ce sont des infirmiers ou infirmières qui vont prendre vos caractéristiques(Le nom, prénoms, l’âge, le sexe…) Après quoi, vous allez voir un médecin. Il faut préciser que dans tous ces centres, il y a des médecins qui vont vous interroger. Sur l’histoire de votre maladie. (Depuis quand ça commencé ? Quels sont les signes ?). C’est à l’issue de cet entretien va dire que « je pense qu’avec les signes et le contexte que vous nous situés, c’est mieux qu’on vous fasse un dépistage (prélèvement).Mais si vous ne remplissez pas ces conditions, le médecin va dire, c’est quand vous présenter les signes, ils ne sont pas apparentés à la Covid-19. Nous allons vous soulager par rapport au mal que vous avez. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle, sur chacun de ces sites, nous avons une pharmacie. Par la suite, on l’encourage à observer les mesures de protection. Celui qui a été dépisté, lui, il va attendre son résultat. S’il est déclaré positif, automatiquement, il sera pris en charge dans un service. Si vous avez été en contact avec une personne qui a été déclaré positif, on peut vous prélever aussi. Parce que vous êtes aussi à risque. Si vous présenter les signes d’une maladie chronique : Diabète, hypertension artériel ou une maladie cardio-vasculaire, vous êtes aussi à risque. On vous prélève aussi. C’est ça l’intérêt de présence du médecin qui se trouve sur le site à même de pouvoir faire interrogatoire de ceux qui y entrent.
A ce jour quel est le taux de fréquentation au niveau des 11 centres ?
Le taux de fréquentation est variable. Notamment au niveau des derniers sites que nous venons d’ouvrir. Sur les deux derniers sites, ce n’est pas encore la grande affluence. Ça se comprend. Mais pour les premiers, au départ, on n’avait dit que nous nous allions sur la base de cent tests par jour et par centre. Nous avons eu la période du mi- mai où il y avait beaucoup de personnes qui sortaient d’Abidjan. On est allé à 200 voire 300 prélèvements par jour centre. Mais aujourd’hui, la tendance est revenue à un taux un peu plus raisonnable. Nous n’avons pas encore atteint le rythme de croisière pour certains centres.
Les ivoiriens ont des difficultés à lire et comprendre le point fait chaque jour par le ministère de la Santé. Le point en question porte-t-il sur les prélèvements au jour J ?On a dit qu’on attendait les résultats dans les 24 à 48 heures. Donc on peut se retrouver avec des prélèvements de la veille. Ce ne sont pas des tests rapides que nous faisons. Le test rapidement, faut –il préciser, porte sur un prélèvement qu’on fait dans le sang. Dans les 15 à 20 minutes qui suivent, on a le résultat. Ce test rapide peut nous faire passer à côté du diagnostic. Ce n’est pas ce genre de test que nous faisons en Côte d’Ivoire. Le test rapide nous dit juste qu’on a rencontré le virus à un moment donné et qu’on a développé des anticorps qui nous permettent de nous protéger. Mais ne nous dit pas que le virus est dans notre nez. C’est la Pcr qui est pratiquée en Côte d’Ivoire, qui nous permet de dire ça. C’est lui qui donne la réalité de la présence du virus dans notre nez. Evidemment, c’est tout un processus qui peut prendre du temps. On ne pourra le faire en deux heures. C’est quand on recueilli tous les prélèvements de la veille qu’on peut avoir le résultat. Il faut dire que les derniers résultats que nous avons, depuis un certain temps, ce ne sont plus les six jours. Rappelons qu’à un moment donné, il y avait eu des voyageurs qui sont arrivés et des gens qui sont sortis. Nous avons eu alors eu alors beaucoup de tests. Cela a pris beaucoup de temps. Maintenant, nous avons d’autres laboratoires qui sont dans le processus et qui vont faire des analyses aussi. Nous n’aurons plus les six jours, nous sommes autour de 24 à 48 heures.
Professeur, tous les cas détectés à l’intérieur du pays, ce sont des personnes qui ont séjourné juste avant. Est-ce à dire qu’Abidjan est toujours l’épicentre de la pandémie ?
C’est connu depuis le début de la crise sanitaire. Nous avons toujours a dit que l’Epicentre, c’est Abidjan. C’est le point chaud. On dit toujours, le virus circule plus toujours à Cocody, Marcory et Treichville. Le virus peut aussi se propager dans les autres quartiers si on ne respecte pas les mesures de prévention qui ont été édictées. S’agissant des cas détectés à l’intérieur, on ne dit que se sont seulement des enseignants. C’est vrai qu’on a dépisté les enseignants qui sont retournés à leurs postes. Ils n’ont pas attendu leurs résultats et puis ils sont partis. C’est pourquoi, on les a fait retourner sur Abidjan, en vue d’une prise en charge. Le principe, c’est de détecter, d’isoler et surtout de prendre en charge. Mais aussi et surtout de suivre aussi les contacts. Donc si on les extrait de leur milieu, ça va nous servir à rompre la chaine de transmission. Pour revenir au dépistage dont vous parlez au tout début. On ne pouvait pas dépister tous les enseignants, dans la mesures ou si vous êtes négatif aujourd’hui, rien ne dit que vous ne pouvez être positifs demain. Puisque vous pouvez être dans la phase de latence et puis présenter les signes quelques jours après. (…).
Qu’est-ce qui est prévu pour l’intérieur dans dispositif ?
Nous avons constaté qu’il n’y a beaucoup de cas à l’intérieur. C’est une bonne chose, dieu merci. Mais il faut renforcer les capacités des Districts. De telle sorte qu’ils puissent prendre le relais localement au niveau de l’intérieur. Nous avons 6 à 7 laboratoires à ce niveau-là. Il y aura un laboratoire à Man, Korhogo, Abengourou, Daloa et San Pedro. Nous avons également Bouaké et Odienné. Dans ces villes, les prélèvements seront analysés sur place. Pas question de venir à Abidjan. Nous aurons les résultats et nous prendrons les dispositions nécessaires. Nous sommes en train de décentraliser les laboratoires.
Selon l’Institut Pasteur de Côte d’Ivoire, notre pays a commandé deux cent mille tests. Si la pandémie devrait s’inscrire dans la durée, est – ce que cette quantité pourrait suffire ?
Si nous avons les 200 mille tests, nous pouvons être à l’aise et on pourra encore faire d’autres commandes si cela s’impose. Cette épidémie comme vous l’avez dit, il faudra faire avec et il faut que nous puissions nous adapter. Les défis majeurs, c’est de s’habituer aux mesures barrières. Lors de la crise à Ebola, quand on disait qu’il faut se laver régulièrement les mains, ça choquait mais aujourd’hui, cela commence à rentrer dans les mœurs. Le port des masques culturellement, ce n’est pas dans nos habitudes. Tout changement de comportement est difficile. Progressivement nous allons y arriver.
Votre commentaire sur le déverrouillage du ciel au quel l’on assiste depuis plus d’une semaine, en vue de la reprise du transport aérien ?
Dans tous les cas, à un moment donné, on n’a pas le choix. Il y a des mesures d’accompagnement à prendre. Le déverrouillage du ciel dans la cadre du transport aérien va s’accompagner de certaines mesures. Les avions seront constamment désinfectés, ils ne pourront pas faire le plein comme d’habitude. Ça créer un manque à gagner. Il faut qu’on se déplace, faire des échanges sinon les économies au plan mondial vont mourir. Nous constatons qu’en ce qui concerne la Côte d’Ivoire, le nombre de cas augmentent, c’est vrai. Cela prouve que nous dépistons beaucoup. Nous prenons en priorité les personnes qui présentent les signes. Ça peut se comprendre que plus on prend ces personnes- là, plus le chiffre sera élevé. Il ne faut pas avoir peur des chiffres. En même temps, il est bon de rappeler aux populations que le virus circule et qu’il est parmi nous. Il ne faut pas banaliser cette maladie. Si les chiffres augmente, c’est parce que nous avons relâché dans l’observance des mesures.
Bamba Mafoumgbé In Le Temps du 09 juin 2020
Légende photo : Professeur Bénié Bi Vroh Joseph, Directeur de l’Inhp : « S’habituer aux mesures barrières, sont des défis majeurs »